Cette rue commerçante de la ville de Vientiane, la Dongpalane, littéralement “l’endroit de la forêt”, est l’unité de lieu du second opus de la trilogie Lignes de fuite.
Ici, le parti pris filmique consistait à reconstituer, à partir des prises de vue effectuées sur deux semaines, une journée ordinaire (de 03h à 23h) de la vie de cette rue. Une journée, abordée à la façon de L’homme qui marche de Jiro Taniguchi, à arpenter inlassablement les trottoirs de l’artère commerçante, mais surtout à déambuler à l’arrière de celle-ci, dans les quartiers et les villages qui lui sont juxtaposés et dont l’établissement la précédait dans le temps.
Alors que le développement de la Dongpalane, portée par le dynamisme de ses communautés marchandes, est économiquement très florissant et spatialement très envahissant, dans le même temps et en conséquence, des formes de vie singulières disparaissent à ses marges, dans ses interstices. C’est là l’un des effets immédiats du passage au “socialisme de marché“ prôné, à l’instar de ses puissants voisins chinois et vietnamiens, par l’Etat Lao et l’apparition d’une (sur)activité spéculative sur le foncier.
Le film est le récit en filigrane de ces disparitions annoncées ; disparition physique des quartiers du marais de Nongchanh, lieux d’une étroite interaction entre un écosystème environnemental remarquable et l’organisation sociale et spatiale des populations qui en vivent. Ce film raconte un peu de ceux, pour reprendre le sociologue Michel de Certeau, “(qui) vivent de compromis qu’ils inventent et de contradictions qu’ils gèrent, jusqu’à des seuils au-delà desquels ils ne peuvent plus les assumer“.
Nous reviendrons à Vientiane pour effectuer un travail de postface auprès des communautés de Nongchanh évacuées, puis déplacées à 12km de leur lieu de travail (le marché Khua Dinh jouxtant le marais) par les autorités lao, un travail de mémoire sur le souvenir d'un village désormais imaginaire.
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