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Lignes de fuite 0.1/ KTT Kim Liên

Hanoi, Vietnam , 2000 & 2009

Film documentaire
56 mn

>> Hétérotopie

Le quartier de logements collectifs (en vietnamien Khu Tap The, KTT) de Kim Liên se situe à la limite sud du district de Dong Da, en proche périphérie du centre d’Hanoi. Il s’étend sur 42 ha et était planifié pour accueillir 7000 habitants (ouvriers, fonctionnaires, scientifiques). En 2000, il en comptait plus de 21000. Conçu à partir des modèles de l’urbanisme et l’architecture rationalistes, le quartier de Kim Liên fut réalisé ex nihilo en pleine guerre du Vietnam entre 1960 et 1970. Durant cette période, la politique du logement était l’une des priorités de l’Etat nord-vietnamien, Kim Liên et les autres quartiers de KTT constituaient alors la “ceinture rouge“ d’Hanoi. Cette politique de socialisation du logement participait à la volonté idéologique et politique du régime nord-vietnamien de transformation et de contrôle de l’individu et de la société.

En 1986, l’Etat socialiste du Vietnam réunifié, adopte des réformes de marché encourageant l’initiative privée: le Doi Moi (“changer pour faire du neuf“). Il instaure la politique de “coopération entre l’Etat et le peuple“ et se désengage de l’entretien des KTT. Les habitants des KTT peuvent désormais se rendre propriétaire du droit d’usage de leur appartement. Apparaissent alors des processus individuels d’autopromotion de l’habitat. La physionomie du quartier se modifie; les barres d’habitation disparaissent derrière les extensions des anciens appartements et de nouveaux logements sont bâtis dans les interstices de l’espace public. Cependant, ces transformations très concrètes ne sont que la manifestation la plus directement identifiable de l’invention par les habitants de leur espace de vie, la réalisation la plus visible de lignes de fuite échappant au contrôle, créatrices de l’ordinaire diversifié.

Le film suit quelques-unes de ces trajectoires individuelles: celles des habitants du quartier (les joueurs de badminton, la cueilleuse de liseron d’eau, le réparateur de vélos, les coiffeurs, les maçons …) ou celles de ceux qui ne font qu’y passer (tous les vendeurs ambulants, palanches, cireurs, chiffonniers...) qui, par leurs parcours incessants, participent à la transformation de lieux prédéterminés en espaces de vie.

Pris aujourd’hui entre deux dispositifs de contrôle, l’un politique (persévérance du système communiste), l’autre économique (apparition des lois homogénéisantes de la marchandisation), les habitants et les passants occasionnels de Kim Lien produisent des actes de résistance et des intervalles de liberté afin d’améliorer leur situation et concrétiser cette volonté de “s’en sortir“.

En juillet 2003, nous sommes revenus à Kim Liên. Sans mise en scène spectaculaire, les autorités prévoyaient d’abattre les anciennes barres de logement pour construire un nouveau type d’immeuble, pour un nouveau type de population. La place ombragée des coiffeurs et des joueurs de badminton avait déjà été rasée. Les habitants des bâtiments B ne savaient toujours pas ce qu’il adviendrait d’eux.


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